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Thomas Leleu, artiste en interview

Tuba soliste de l’Orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille, Thomas Leleu est Président du Festival Bourg Arts et Vins depuis 2017. Son leitmotiv : si les populations vivant loin des métropoles ne peuvent venir à la culture, alors c’est la culture qui doit venir à elles.

 

De tubiste international à « homme orchestre » : qui êtes-vous Thomas Leleu ?

J’ai étudié le tuba Formé au Conservatoire de Paris, j’ai été nommé soliste à 19 ans à l’opéra de Marseille. J’ai eu Très tôt mon objectif fut de faire tomber certaines barrières liées au classique. Faire du tuba à 20 ans, croyez-moi cela demande de la force de conviction pour déplacer les foules : ça n’est pas l’instrument le plus sexy de l’orchestre ! Mon cheval de bataille : marier la grande tradition classique aux musiques actuelles. Ouvrir l’univers symphonique à tous, mais aussi oser proposer un répertoire plus méconnu aux habitués des salles feutrées. J’ai remporté avec fierté une Victoire de la Musique en 2012, j’avais 24 ans. Depuis, j’ai fait plusieurs créations dont deux avec l’Opéra de Marseille, l’album Stories en trio est sorti en 2019 (3 nominations à Opus Classique en Allemagne), j’ai la chance de me produire en concerts partout dans le monde, et mon prochain disque “Born to Groove”,  sortira en mai, 18 compositions pop/rock/musiques du monde. Mon souhait le plus cher n’est pas de convaincre les gens que telle ou telle musique est la meilleure, mais de m’assurer que toutes leur seront accessibles pour se faire leur propre goût : c’est ce qui a motivé en 2017 mon engagement en tant que président du Festival Bourg Arts et Vins.

 

Avec le festival, vous êtes passé d’artiste à programmateur : est-ce plus contraint en territoire rural ?

Créer toute une saison artistique, sur une feuille blanche où tout est à écrire est un bonheur ! En 2014, je m’y suis produit en sextet avec des cordes et Annie Meneuvrier de Bourg Arts et Vins m’a effectivement proposé de rejoindre l’équipe pour apporter un nouveau souffle. C’était un beau challenge : cette association est réputée dans le paysage des festivals français, et fait partie de ces événements indispensables au spectacle vivant dans son ADN. On croit à tort que les concerts classiques majeurs ne se jouent que dans les grandes métropoles. Grâce à ce type de festival, les territoires ruraux ont aussi accès à une belle programmation, et deviennent même terres d’innovation. Je dirais même que l’on peut se payer le luxe d’innover. Ma touche personnelle fut d’ouvrir le festival au jazz et aux musiques du monde. Nous proposons 4 concerts durant la saison, mêlant artistes incontournables et talents de demain : un récital de piano (avec la nouvelle génération à l’honneur : Bertrand Chamayou, Simon Ghraichy…), un concert de musique de chambre (François Salque…), la découverte d’un instrument moins connu (orgue, tuba…) et un concert jazz (Riccardo Del Fra, Raphaël Imbert…). J’aime l’idée de voir des artistes incontournables poser leur pupitre à Bourg, comme des pépites. S’il y a une différence, pour les artistes jouant en zone rurale, c’est peut-être cette magie impalpable des lieux de concerts intimistes, où la connexion avec le public est singulière.

 

Ne priver personne de spectacle, cela résonne particulièrement après des mois de culture confinée ?

Complètement : quel que soit notre âge, nos goûts ou notre milieu social, nous avons tous pris conscience que la culture et les salles de spectacles étaient essentielles à notre humanité. Ville ou campagne, nous avons le même besoin de divertissement dans nos vies. Cela me conforte dans l’objectif d’apporter la musique partout sur le territoire.

 

Le festival allie la musique et le vin : un accord parfait ?

On n’imagine pas les banquets de Bacchus sans musique ! A Bourg, il y a un terroir très fort : la vigne, les châteaux, ce sont des lieux où la musique sonne merveilleusement. Dans les châteaux, la musique sonne merveilleusement bien…

Si je ne suis pas un grand connaisseur en vin, j’y vois justement Il y a de plus une forte similitude entre vin et musique classique : ce sont deux univers qui peuvent faire peur aux néophytes. Perdus devant de nombreuses références avec l’impression de ne pas avoir les « codes », alors qu’il suffit juste de se laisser porter par ses émotions. Wagner disait : “la musique commence là où s’arrête le pouvoir des mots”. Il en est de même pour le vin. En proposant des concerts variés à prix abordables, Bourg Arts et Vins permet cette initiation à celles et ceux qui “n’osent pas”. Et comme pour le vin, il n’existe pas un style unique de musique classique : on peut pleurer d’émotion devant un récital de violon et être insensible à la musique de chambre, tout comme on peut apprécier les rouges fruités et bouder de plus tanniques.

 

Quel souvenir marquant vous revient de ces dernières éditions ?

L’année 2020 a forcément été particulière avec ses reports et annulations : si je n’ai pas pu y assister, coincé à Berlin, le maintien du récital de piano de Ghraichy en octobre 2020 devant un public euphorique me marquera à jamais. Mettre un genou à terre ? Très peu pour moi : Avec Annie Meneuvrier et l’ensemble des bénévoles de l’association – dont je tiens à saluer le travail titanesque – nous avons fait des pieds et des mains pour que ce rendez-vous ait lieu, avec un protocole sanitaire très strict. Il a joué deux fois dans la même journée. Nous faisant réaliser à quel point la musique manquait au Monde. Dans un contexte anxiogène de crise, la culture offre une évasion salvatrice. Et nous reconnecte physiquement à l’autre sans avoir à se toucher.

 

Avez-vous des projets pour le festival ?

La région bordelaise est culturellement vibrante. J’aimerais déployer les actions pédagogiques du festival dans les écoles, ou encore tisser des liens avec le Conservatoire et l’Auditorium de Bordeaux. C’est important de se fédérer à l’échelle du territoire. Nous pourrions aussi organiser l’un des concerts du festival à Bordeaux, pour inciter les métropolitains à se rendre à Bourg pour la suite. Nous sommes toujours en recherche de nouveaux partenariats et souhaiterions nous agrandir :  le spectacle vivant dynamise un territoire et toute une économie, en plus d’apporter plaisir et évasion. J’aimerais ajouter à la saison un festival d’été sur quelques jours. Pour réaliser ce projet il nous faut de nouveaux soutiens financiers et renforcer l’équipe déjà en place. Si certains sont intéressés, nous sommes preneurs !

 

Classique et vin, le portrait chinois.

Si les Côtes-de-Bourg étaient…
Un instrument : le tuba, forcément ! Puissant mais subtil. Méconnu et pourtant son répertoire est riche.
Un opéra : épicés, fiers et rebelles, cachant cependant un cœur tendre… ils seraient Carmen de Bizet.
Un ballet : une chorégraphie contemporaine de caractère, signée Angelin Preljocaj. Blanche Neige, et ses alliances électro, ou bien l’hypnotique Ghost.
Une symphonie : la 25 en sol mineur de Mozart, alternant puissance et délicatesse. A siroter devant le film Amadeus de Milos Forman.

 

L’association « Bourg Arts et Vins« , fondée en 1995, souhaite lier musique (classique, jazz, récitals, musiques du monde…) et vin via des concerts-dégustations suivis d’échanges au Château de la Citadelle de Bourg.
Les prochains concerts sont en vente en ligne en cliquant ici : prochains concerts.

©Camille Charlier

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